Le bout du monde…

 

Le bout du monde… enfin, c’est relatif… il y a des bouts du monde un peu partout sur notre planète. Mais, il faut avouer que nous sommes bien fiers de notre petit bout du monde qui pointe vers l’infini du golfe telle une flèche de roche visant les vieux pays. Tous les vikings, les basques, les bretons, les découvreurs français et les armées anglaises ont passé au large de cette péninsule insolite. Sans parler des Micmacs de Gesgapegiag qui occupent la région depuis plus de 10 000 ans… bien avant tout ce beau monde!

Le parc de Forillon, créé en 1970, couvre aujourd’hui la majeure partie de la péninsule. Ce parc est sans contredit l’un des plus beaux parcs du pays. Cette péninsule montagneuse, ce joyau naturel, trône dans toute sa splendeur entre le golfe du Saint-Laurent et la baie de Gaspé. Toutefois, l’expulsion arbitraire de 225 familles lors de la création de ce premier parc national fédéral au Québec marque une page sombre dans l’histoire du pays.  Les droits de la nation Micmac seront ignorés et l’expropriation des habitants sera massive. Elle couvre un territoire de 244,8 km2, incluant six municipalités, et s’applique à 225 familles (983 personnes). Essentiellement des familles de pêcheurs à la morue et des agriculteurs. C’est tout un mode de vie, une culture, des compétences qui ont été balayés pour faire place à un projet de conservation d’un site exceptionnel à plusieurs points de vue.

Source : Canadian Geographic 

C’est dire comment une bonne intention peut déraper et entraîner autant de souffrance et d’injustice. 54 ans après la création du parc, la nation Micmac de Gespeg et le gouvernement du Canada annonçaient la signature de l'Accord de réconciliation et de reconnaissance des droits concernant le parc national Forillon. Il n’est jamais trop tard… mais bon, plus jamais!

Imprégné par ce passé déchirant, nous explorons avec beaucoup d’humilité les beautés du sentier Les Graves (15 km) qui traverse sur le long une bonne partie de la péninsule et nous amène jusqu’au bout du monde.

Le soleil est au rendez-vous au départ du sentier. Devant nous se dresse un mur de brume marine qui semble envelopper la pointe de la péninsule… notre destination, le Cap Gaspé. Le sentier longe la mer et nous offre de nombreux points de vue sur les falaises qui plongent abruptement dans la mer. Les vagues incessantes viennent gruger avec une lenteur millénaire les couches étagées de calcaire.

Le son des vagues en bruit de fond, nous entrons et ressortons des volutes de nuages brumeux. L’odeur saline et puissante du varech, le vol plané et flâneur des fous de Bassan et des cormorans, la forêt reconstruite depuis 1970 sur ces anciennes terres agricoles, les sourires complices échangés, les petites découvertes floristiques, le temps qui n’a aucune prise sur nous.

Ici, une ancienne demeure conservée à l’anse à Blanchette. Là, un petit cimetière à l’anse aux Amérindiens où reposent les ancêtres des premiers colons originaires des l’îles de Jersey et de Guernsey.

Et puis, la fin du chemin de cailloux. Le bout du monde, quelle joie!

Haïku de Sushi

La brume env’loppante

Le son des vagues et du vent

J’entends les goélands

Le lendemain, petite randonnée de récupération, ascension du mont St-Alban(5 km) pour aller admirer le panorama à partir d’une plate-forme surélevée. Époustouflante vue du parc et de la péninsule. Par temps clair et sans nuage, on peut même y voir les côtes de l’île d’Anticosti.